Portrait d’Yvana Duchêne, prix du jury du salon de Ducontenia 2019

Yvana Duchêne a participé au Salon de Ducontenia 2019. Cette exposition-concours, organisée par la ville de Saint-Jean-de-Luz, est ouverte à tous les artistes peintres. Un jury composé de personnalités qualifiées sélectionne une soixantaine d’œuvres et attribue quatre prix (1er prix, prix des jeunes, prix spécial du jury, prix de Ducontenia).

Dans le cadre de l’exposition des Primés de Ducontenia, du 22 février au 8 mars à la villa Ducontenia, Yvana Duchêne exposera quelques-unes de ses œuvres. Rencontre.

Quelle est votre formation ?

J’ai suivi des cours des professeur Pinkas et Matthey à l’Ecole des Beaux-arts de Paris, rue Bonaparte. J’apprenais les techniques de la peinture ancienne, mais je n’étais pas à l’aise, je ne me retrouvais pas dans une peinture ordonnée. Aujourd’hui je me rends compte que cet enseignement était un vrai trésor car on ne peut bouleverser et jouer qu’avec les techniques qu’on maîtrise entièrement.

Comment définissez- vous votre style ?

Le roman Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde est à l’origine de mon besoin de peindre des portraits «vivants». Le fait que l’art, qu’une peinture puisse prendre sur elle toute la complexité de la vie et laisser la personne portraiturée de façon intacte m’a profondément bouleversée.

Depuis, j’explore le lien qui existe entre le visage et la conscience pour trouver le moment où ces deux se confondent. A l’instar du fameux portrait de Dorian, je cherche à générer un lien physique entre être et paraître de sorte que l’être et le paraître « s’interchangent » : le mouvement de balancier entre l’image et l’âme est incessant.

Fusion de la beauté et de la terreur, mes portraits sont comme un texte écrit, ils sont le journal quotidien d’une vie que je couvre de signes. Le tableau est un texte lisible toujours prêt à révéler l’envers du décor, Il s’agit du compte-rendu de toutes les pensées, actes et passions…

Pour arriver à ce résultat, mon travail se nourrit des oeuvres expressionistes, françaises et européennes. Mes portraits ont une approche semblable, je suis à la recherche des émotions extrêmes. Un ouvrage sur ma série de portraits de Camille Claudel a été publié par la Maison d’édition Jacques Flament dans leur collection « Expressionistes français ».

Pourquoi peignez-vous Camille Claudel ?

Camille Claudel m’a toujours semblé être une victime du pouvoir des cercles culturels. A son époque, en tant que femme elle n’avait pas droit à une expression libre de son génie. A son époque, une femme artiste a été tolérée, admirée même, – comme une bête curieuse – mais on ne lui concédait pas le droit à la parole et à l’œuvre dans le sens idéologique de l’art. Je voulais lui rendre la parole, j’essayais de le faire à travers son regard, pour qu’elle-même nous confie l’injustice dont elle a été victime… Pour que l’on ne reproduise plus jamais pareille injustice… Toutefois, désormais je suis consciente que ce sort est commun à beaucoup de personnes habitées par une oeuvre. Faire accepter une œuvre sincère est une tâche titanesque même pour des personnes saines d’esprit.

Que voulez-vous exprimer dans votre travail ? Quel est votre message ?

Lorsque j’ai commencé à peindre, j’ai constaté que l’émotion profonde était inexistante dans l’art contemporain. Ressentir les émotions n’est pas la priorité de l’art contemporain qui est avant tout l’expression des sensations.

Je voulais apporter au spectateur cette émotion profonde. Je souhaite qu’il se reconnaisse dans mes portraits, qu’il se confie, lui aussi, partageant avec eux les expériences marquant sa vie. Mes portraits sont l’incarnation d’une existence difficile. A travers mes portraits, je cherche à traduire la domination du vécu personnel sur notre conscience. Notre vécu est élément-maître de tous nos actes, à travers lui se forme notre perception du monde. Mon but est de montrer à voir notre vécu, notre réalité, comme un miroir déformant la conscience : un miroir reflétant toutes les injustices qui, grossies à démesure, alimentent la folie.

Comment avez-vous connu le Salon de Ducontenia ? Encouragez-vous les gens à franchir le cap et à y participer ?

J’aime observer et me plonger dans de nouveaux mondes, dans de nouvelles visions  apportées par des peintres. Je suis venue plusieurs fois au Salon des Indépendants, en tant que spectateur. L’équipe organisatrice, notamment Jean Idiart ont une approche très sensible de l’art et permet de montrer le travail des artistes qui sortent du cadre et des normes de l’art officiel. Cette diversité de regards me nourrit dans ma vie et dans ma peinture. J’y ai fait beaucoup de découvertes qui ont nourri mon travail, j’ai y connu notamment le travail de Chantal Sore qui me passionne.

L’équipe d’organisateurs se donne à fond pour soutenir la liberté et l’originalité de la création. L’avantage de la structure du Salon réside dans le fait que les exposants aient carte blanche, ils ont droit d’être totalement libres et sincères. C’est une occasion d’exposer pour les peintres et artistes qui sortent de la norme par leur parcours et par leur travail, notamment pour des jeunes qui ont besoin de découvrir la réaction du public à leur travail.


L’exposition des Primés de Ducontenia permet de découvrir plus amplement le travail des quatre artistes peintres remarqués et récompensés lors du Salon de Ducontenia organisé l’année précédente.

Demain : interview de Stéphane Annette, 1er prix du jury 2019